13 Septembre 2012
Shiling, étudiante de Hong Kong, nous tend ladite enfilade de « chickenbones ».Pour un bon bouillon, à la limite… A sa grande consternation, nous lui expliquons qu’en Suisse nous les jetons! Mais la rumeur vous était parvenue : en Chine, tout se déguste et se digère (si!). De quoi intriguer plus d’un Suisse. En voyage, les spécialités culinaires interpellent. En ce qui me concerne, ce phénomène prit en Chine une tournure plutôt légère car la trépanation de scorpions ou serpents m'importe peu.
Raies manta sur le grill
A Lamarera, dans l’archipel indonésien de Solor, le sort réservé aux dauphins, raies mantas, baleines et autres géants des mers m’émut bien plus. Après une nuit de pêche, le retour des bateaux, au petit matin, retourne l'estomac. Nous nous étions pourtant préparés, grâce à un topo succint dans le Lonely Planet. L’activité se déroule en toute légalité : le faible volume de prises ne met pas en danger les espèces. Les pêcheurs opèrent de façon traditionnelle, au moyen de barques et de harpons vétustes. Régulièrement, certains perdent la vie, sectionnés par un mauvais coup de queue. Un seul cétacé nourrit le village - 2000 habitants pas très épais - pendant des semaines. Largement de quoi justifier cette pratique, donc. Toutefois, face aux géants découpés sur la plage, le dégoût l’emporte. Quelle tristesse devant une raie manta dépecée! Amatrice de filets de perche, j’étais parfaitement consciente de l’absurdité de ma réaction – pourquoi mon dégoût se mesurerait-il à la taille du poisson ?
Certaines bêtes nous paraissent délectables, d’autres nous révulsent.Comment choisissons-nous quels animaux consommer ? Goût et perception s’entremêlent, comme gras et muscle dans un bon morceau de viande. Est-ce que qu'un aliment nous déplaît au goût, ou est-ce notre sensibilité qui le digère mal ?
Faux-cils pour requins
Evidemment, comme notre copine Shilling, le rapport au monde des bêtes varie selon les cultures et les sensibilités. L’alimentation résulte d’un choix et de tabous liés à l’éducation et à la culture. La bonne nouvelle, c'est que plus nous nous identifions et nous attachons à un animal, plus il aura de chances de sauver sa peau. Pour vivre longtemps, que la bête parle au cœur de l’homme! Flipper, Lassie, Willie et même Rudi le petit cochon… Intelligents, doux, les meilleurs amis de l’homme, réceptacles parfaits de nos projections. Les déguster tiendrait du cannibalisme.
Requins, munissez-vous de longs cils de faon! Vous attirerez l’indulgence. Car, tout comme la baleine agressée tue par maladresse le pêcheur, le requin grignote le surfeur par erreur… Mais s’en trouve fort peu excusé, à l’inverse de sa consoeur.
Le chien chaud tombe-t-il du ciel ?
Mais faux-cils et regards de chien battu ne suffisent pas. Un autre subterfuge permet de consommer de la viande sans culpabilité. Qui saigne encore son porc pour les grillades de l’été ? Grâce à l’industrialisation de l’élevage et de l’abattage, nous nous détachons de l’animal consommé. La relation de cause à effet part en fumée. De plus, l’offre dépasse la demande, et nous pouvons déguster de la viande outre-mesure. Un véritable carnage quotidien se produit ainsi, au-delà de tout besoin réel, loin de nous attrister.
Voilà donc quelques tours joués par notre esprit et notre société en matière d’alimentation… Aussi imperceptibles qu’efficaces. Que faire donc ? Se convertir au végétarianisme, au végétalisme, ou même au veganisme? Ou alors tirer meilleur parti du contexte ?
Un point réunit les pêcheurs de Lamarera et nos amis les Chinois. Chaque animal abattu se consomme dans sa quasi totalité. Et si nous rétablissions la juste mesure, en cultivant un lien réel avec les aliments ? Pour les viandes par exemple, point trop n’en faut pour bien se porter.
Au-delà de trancher dans le vif, à chacun de trouver sa recette... Tout en nous rappelant notre chance d’avoir le choix du menu.
Blogueuse décalée et dévouée aux "Parents mais pas seulement".
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